Conférence-UDs 2017
Obstacles et modalités d’un vivre-ensemble harmonieux au Cameroun
Dschang, SIC /UDS -08/02/17. Dans leurs « regards croisés sur le vivre-ensemble au Cameroun » au cours de le 2ème conférence mensuelle de l’UDs qui s’est tenue ce Mercredi 8 février 2017 dans la salle de Spectacle, les Prs. Louis Bertin Amougou, Alawadi Zelao et Emmanuel Nforbi ont respectivement souligné la nécessité de questionner les instances de socialisation ainsi que le rapport du politique à la société camerounaise, d’intégrer la diversité comme un paramètre intrinsèque à la société camerounaise et, enfin, de doter le système éducatif camerounais d’un véritable programme de bilinguisme.
Selon le pr. Louis Bertin Amougou, le vivre-ensemble est une notion qui a progressivement acquis une certaine notoriété dans les discours publics au Cameroun pendant que sa manifestation réelle dans l’espace social s’effritait. Il établit une corrélation entre cette crise du vivre-ensemble au Cameroun, un système de socialisation tout aussi en crise et un pouvoir politique peu enclin à la structuration du vivre-ensemble. Selon Amougou, le système de socialisation de l’individu définit son identité qui, lui, détermine le rapport de cet individu à la société. Lorsque les instances de socialisation sont à la hauteur de la tâche qui est la leur, le sujet intègre la société dans une interaction harmonieuse. Lorsque les instances de socialisation sont défaillantes, on observe le phénomène contraire. Considérant que cette lecture peut s’étendre à l’échelle des groupes, ce paneliste estime que les rivalités entre des groupes sociaux au Cameroun sont consécutives à un système de socialisation en crise : l’institution scolaire au Cameroun est embrigadée par des logiques coloniales qui occultent l’identité culturelle originelle et l’histoire du Cameroun au profit des identités héritées de la colonisation. En faisant ainsi ombrage au passé commun du Cameroun, ces logiques coloniales se constituent en obstacle à une quelconque projection commune. En outre, les instances de socialisation (famille, institution scolaire, église, ville, service) au Cameroun sont des lieux de cristallisation des identités tribales (ce qu’Amin Malouf appelle identités meurtrières) qui ne favorisent pas le vivre-ensemble mais qui au contraire mettent l’accent sur les différences et attisent les haines et les conflits. Partant du fait que la diversité est consubstantielle à la société, le Pr. Amougou définit l’action politique comme une action de mise en relation de cette diversité ; ce qui en fait le moteur de la structuration du Vivre-ensemble. Or, constate-t-il, le champ politique camerounais a depuis fort longtemps sacrifier cette valeur intrinsèque de la politique sur l’autel des actions exclusives de conquête et de préservation du pouvoir à tous les prix. Ce faisant, il a largement contribué à semer les germes de la crise anglophone. « Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères sinon nous allons mourir ensemble comme des idiots », conclura ce premier paneliste.
Comment donc vivre ensemble (uni) dans la diversité ?
Le pr. Alawadi explique que le Cameroun a beau constitué une mosaïque de peuples et de cultures, il s’agit d’une réalité qui voile les multiples passerelles ou similitudes profondes entre ces peuples et cultures ; et qu’en réalité ce qui unit les Camerounais est bien plus grand que ce qui les sépare. Ce second paneliste insistera sur la dynamique du management de la diversité au Cameroun. Selon lui, le Cameroun a connu trois grandes périodes dans le management de sa diversité : une première période de construction autoritaire de l’unité nationale fondée sur l’oppression de toute forme d’organisation à caractère tribal (1960-1982) ; une deuxième période où la construction de l’unité nationale s’est voulue moins étouffante des identités tribales, suivant le principe de l’intégration nationale qui fait des particularités nationales les composantes de l’unité nationale (1982-1990) ; et une troisième période qui, à la faveur de l’éveil des consciences, échappe au contrôle des pouvoirs publics et se caractérise par une montée en puissance des considérations tribales au détriment des considérations nationales (1990à nos jours). Face à cette résurgence des particularismes au Cameroun, le Pr. Alawadi en vient à la conclusion que la diversité est intrinsèque à la société Camerounaise, un trait naturel de son identité ; et « que le Cameroun est un don de la diversité au même titre que l’Egypte est un don du Nil ». Il soutient que les Camerounais devraient intégrer cet état de chose, surtout que la diversité ne constitue pas un obstacle à l’unité nationale car elle regorge des ressources nécessaires à son agrégation.
En parlant de cette agrégation ou mise en commun des particularités au Cameroun, le Pr. Emmanul Nforbi regrettera que les multiples recherches faites au Cameroun dans le domaine de sa multiculturalité de son mutilinguisme n’aient pas servi dans l’élaboration d’une politique du vivre-ensemble. Pour lui, les politiques devraient s’associer aux chercheurs pour doter le système scolaire camerounais d’un programme de bilinguisme à la mesure des attentes.
Finalement, en réponse aux questions formulées par le modérateur de cette deuxième conférence mensuelle de l’an 2017 à l’UDs, les panelistes sont unanimes à l’idée que le pari de l’unité nationale au Cameroun ne passera que par une harmonisation des singularités. /RA